L’une de mes photos de rue qui a connu son petit succès sur les réseaux sociaux ainsi que sur flickr, est le fruit d’une inspiration arrivée au milieu d’une session photographique d’une trentaine de minutes.
Comme dans le premier épisode de cette série sur la photo de rue à Paris (Le canin de mes soucis), je vous invite à découvrir les multiples tentatives, par ordre chronologique, parfois nécessaires à l’émergence d’une véritable photo de rue conceptuelle, sans complicité.
En ce jour de juin 2020, post-covid, je parcourais Paris en trottinette quand, passant devant la vitrine publicitaire d’une future boutique de maillots de bain, je remarquais une photo de trois hommes tirant sur la corde d’un bateau? invisible.
Cette image imposante d’hommes géants dominants le trottoir me faisait penser qu’il y avait peut-être quelque chose à faire avec.
Une petite femme âgée se présentait la première au milieu de ces 3 hommes dans leur mer de papier, créant un contraste saisissant avec la masculinité exacerbée, ainsi qu’un effet d’échelle daltonien (cf. Lucky Luke), comme j’aime à en créer habituellement dans la rue avec une foule.
De l’autre coté de la vitrine, le modèle masculin, les jambes dans l’eau, était positionné de face, torse nu, dans une position suggestive, attirant parfois le regard de quelques passantes, mais laissant la plupart d’entre elles de marbre.
Une autre femme d’âge mur passait devant l’affiche sans même remarquer l’esthète bronzé.
Une composition s’enrichit en fonction des les plans et des lignes directrices : ici les horizontales avec la voiture et la mer, les diagonales avec le capot de la Porsche et les bras du modèle, et enfin les verticales avec le tronc d’arbre, la dame au chapeau, et le modèle.
Une première approche de photographe consistait à contextualiser globalement la vitrine.
Il se trouve qu’un homme assis seul sur un banc, qui pouvait représenter le symbole d’une solitude apparente dans l’espace urbain, venait s’opposer symboliquement à l’image d’entraide dans un décor de rêve.
Je remarquais quand même assez vite que les plus jeunes femmes détournaient volontiers leur centre d’intérêt de leur portable…
Elles n’étaient donc pas toutes indifférentes aux torses musclés !
Une femme au bout du fil
Après 10 minutes de balbutiements photographiques, une idée directrice émergeait enfin en essayant d’accrocher une première fois « quelque chose » au bout de cette corde sans objet.
Une première opportunité me permettait d’enfanter le tout premier téléphone filaire portable du vingt et unième siècle !
Première de cordée
Et si ?
Et si, avec cette corde, ces hommes cherchaient symboliquement à retenir une femme ou, au contraire, à l’attirer dans leur filet ?
Avec cette idée mère en tête, il ne me restait plus qu’à être un peu patient et attendre le bon moment, celui ou se présenterait la « bonne » femme (de la bonne taille).
En attendant qu’une passante veuille bien se présenter dans l’axe du mâle, je réalisais une espèce de montage photo in vivo, avec cette inclusion masculine dans l’image, à la place du premier personnage de l’affiche (celui qui était bizarrement très petit par rapport à ses collègues).
Le joggeur qui passait devant mon objectif profitait, sans que je le fasse exprès, d’un second bras allongé dans son mouvement, pile dans l’axe de son coude !
La photo de rue post #metoo ?
Ce concept de la « pêche au filles » se concrétisait très vite quand une jeune femme se présentait avec un masque clair, me permettant d’y rattacher visuellement la corde.
Une femme « bâillonnée » attirée avec difficulté par trois hommes ?
Soudainement, une simple idée visuelle de photographe de rue venait prendre de la force et un sens nouveau.
En ces temps de #metoo, traiter symboliquement de la difficulté masculine à séduire le sexe opposé par un détournement d’image semblait très à propos.
Une corde de plus à mon art
Une seconde femme avec son caddie venait très vite tomber dans l’escarcelle de ces pécheurs d’un autre genre.
Si sa prestance était plus qu’intéressante, son masque coloré ne permettait pas de la relier aussi harmonieusement à la corde blanche que sur l’image précédente.
Satisfait d’avoir produit une photo de rue amusante ayant du sens, je pouvais abandonner ce spot éphémère pour de nouvelles micro aventures à Paris et ailleurs.
Je terminais par une ultime inclusion, celle d’un homme lisant au cœur d’un homme.
Photographies et textes : Thierry Allard, tous droits réservés.
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Tout est dit !
Les images sont présentées dans cet article dans leur véritable ordre chronologique.
Il s’agit d’une sélection de 10 photographies parmi la trentaine réalisées en 25 minutes.
Les images couleur ont fait l’objet d’un traitement spécifique dans DxO Photolab, mâtiné très légèrement d’une décoloration Polaroïd.
Autres images non sélectionnées pour cet article :
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