Un panorama architectural dans les tuyaux

gros plan sur les tuyaux de la façade arrière du Centre Pompidou à Paris

Comment restituer en photo la totalité d’une façade d’un bâtiment imposant situé dans une rue étroite, au cœur d’une ville comme Paris ?

Pour répondre à cette question, je vous livre dans ce tutoriel une technique avancée de création d’un panoramique d’architecture à partir de multiples points de vue.

Le Centre Pompidou

Des nuages s’amoncellent au-dessus de Beaubourg (fermé pour rénovation jusqu’en 2030), dont l’architecture conceptuelle est très critiquée sur le plan esthétique depuis sa création, en raison de ses éléments techniques reportés à l’extérieur.

Vue arrière du Centre Pompidou à Paris

L’arrière du bâtiment, concentre une multitude de tuyaux colorés selon la typologie des flux, air, eau, électricité, qui les traversent.

Le faible recul, environ 20 mètres, que laisse la rue Beaubourg pour photographier l’arrière du Centre Pompidou (166 m de long par 42 m de haut) interdit, théoriquement, toute représentation photographique frontale du bâtiment dans son ensemble.

C’est ici qu’intervient une technique photographique, alliée à un montage photo, qui permet de restituer une architecture massive, enserrée dans un tissu urbain.

Programmer les prises de vues d’un panoramique d’architecture en ville

camion poubelle parisien recouvert d'une affiche, one two, Tri devant 3 tuyaux blancs du Centre Pompidou

Plus que pour toute autre session photographique d’architecture, il convient de bien préparer son intervention :

  1. En repérant les lieux physiquement (les vues satellites ou Google View ne permettent pas d’anticiper les imprévus comme des travaux).
  2. En préférant un jour ou il y a moins de circulation automobile et/ou piétonne, comme un dimanche ou un jour férié.
  3. En choisissant la meilleure heure d’exposition du bâtiment à l’aide d’une application spécialisée, comme, par exemple, PhotoPills sur iOs.
  4. En veillant à ce que la lumière soit constante (éviter les ciels nuageux), car il s’agit de réaliser une série d’images homogènes dans un laps de temps de plusieurs minutes.

La technique de photographie « linéaire » pour composer un panorama architectural

Les principes de base

Muni d’un objectif grand angle ou ultra grand angle, il s’agit de réaliser une série de photographies dans le but de pouvoir les assembler en post-production.
En mode vertical, vous disposerez d’une part plus importante de sol et de ciel, qui vous seront utiles pour le montage photo

série de photographies de la façade arrière de Beaubourg

Le principe est de se déplacer parallèlement au bâtiment à photographier à une distance fixe et de réaliser des images frontales à intervalles régulier : pour notre exemple concernant le Centre Pompidou à Paris, environ tous les 7 mètres*.
Pour cela, il est pratique de longer le bord d’un trottoir ou un mur d’immeuble en veillant à rester sur la même ligne, y compris si l’on traverse une rue ou un espace ouvert.

*Plus on est proche du bâtiment photographié, plus il faut réduire la distance entre chaque prise de vue : voir le conseil n°1 plus bas.

photographies d'angles redressées du bâtiment pour le montage photo

Il est important de toujours prévoir des images d’angles aux 2 extrémités du bâtiment (sans voir ses façades perpendiculaires).

Ceci est valable aussi pour toute partie d’un bâtiment qui avance de plusieurs mètres : le but étant de pouvoir éliminer des perspectives saillantes lors du montage photo.

10 conseils indispensables pour créer un panoramique d’architecture à partir de plusieurs points de vue

Suivre une « ligne de conduite » rigoureuse au moment des prises de vues permet de rendre le travail de montage photo pour le panoramique (un peu) plus facile :

  1. Pour déterminer l’espacement maximal entre chaque prise de vue, vous pouvez compter le nombre de pas (ou de mètres) qui vous séparent du bâtiment à photographier et diviser cette mesure par 3.
  2. Veiller à commencer et à finir sur des photographies alignées sur chaque angle du bâtiment (traiter aussi les avancées anguleuses éventuelles de la façade).
  3. Maintenir sa ligne de distance et se déplacer toujours parallèlement au bâtiment photographié.
  4. Régler une même hauteur de cadrage pour toutes les photos en s’aidant d’un repère horizontal dans son viseur, pour composer chaque image selon les mêmes caractéristiques (pour cela, un trépied peut grandement aider).
  5. Respecter les 3 axes pour le positionnement de son boîtier photo, comme expliqué dans mon tutoriel sur la correction de perspective.
  6. Pour mieux contrôler la perpendicularité de l’axe de prise de vue, en faisant pivoter son appareil sur l’axe vertical, une astuce consiste à s’assurer visuellement que le haut du bâtiment est bien parallèle au bord supérieur de son viseur (voir illustration ci-dessous).
  7. Privilégier une mise au point manuelle, identique pour toutes les images, permet d’éviter de légères variations liées à l’autofocus.
  8. Effectuer un réglage fixe de l’exposition et de la balance des blancs garantit de conserver une meilleure homogénéité entre toutes les images.
  9. Doubler chaque photographie à quelques secondes d’intervalle permet de se préserver d’éventuels flous de bougé ou d’éléments indésirables qui pourraient compromettre la réalisation de l’assemblage final du panoramique.
  10. Eviter le plus possible tout personnage, mobilier urbain ou véhicule au premier plan.
viseur d'appareil photo montrant la façade arrière de Beaubourg avec des indications d'horizontalité

Les conseils 4,5 et 6 sont résumés dans cette image : une fois la vue calée en hauteur et horizontalement à l’aide du niveau central de son appareil photo, on peut s’assurer que sa prise de vue sera bien perpendiculaire en s’aidant du bord supérieur de son viseur (ou de l’écran) afin que le haut du bâtiment soit bien parallèle.

Un montage photo d’une grande technicité

Le Centre Pompidou avec sa structure tubulaire étendue sur plusieurs plans et plusieurs axes, verticaux, horizontaux et obliques, rend l’assemblage des photos plus compliqué que pour d’autres bâtiments aux façades moins chargées.

Traitement du plan vertical

Après avoir redressé parfaitement chaque image, le montage photo va consister, dans un premier temps, à isoler leur partie centrale (la zone la moins sujette à un effet de perspective).

bandeaux d'images de la façade de Beaubourg juxtaposées
Plus il y a d’images, moins les effets de perspectives sont visibles.

Dans un second temps, il faut les assembler, un peu comme des touches de piano, mais avec quelques subtilités supplémentaires !

assemblage d'images de la façade pour le montage photo

Pour la façade arrière de Beaubourg, la principale contrainte lors de l’assemblage de certaines photos est liées aux croisillons métalliques obliques qui ne laissent qu’une seule solution : joindre les images au niveau des structures verticales qui les soutiennent.

D’autres difficultés rencontrées pour le montage photo vertical auraient pu être évitées (si j’avais prévu des images supplémentaires) :
1. Les parties supérieures des avancées du bâtiment (en rouge) ont dues être rectifiées : pour un meilleur résultat, il aurait fallu réaliser 8 à 12 photos d’angles supplémentaires rien que pour ces 6 éléments.
2. Les trois tubes blancs sur le trottoir de chaque coté du bâtiment sont difficiles à assembler à partir de deux images espacées de 7 m : comme ils sont ronds, il aurait suffit de les photographier chacun de façon centrée. 

Dans le montage final, ils ont été traités à partir des 2 photos d’angle et conservent donc leur effet de perspective.

Re-création du plan horizontal

La plus grande complexité du montage photo réside dans la recomposition du plan horizontal : avec des dizaines d’images prises à quelques mètres d’intervalle, l’annihilation d’autant d’angles de perspectives différents au sol devient un véritable casse-tête.

images de la rue avant-après montage photo
Avant/après : il faut arriver à recréer une voirie sans aucune perspective, d’une façon à peu près réaliste…

Premiers plans anticipés = montage facilité

Si l’on a pu assez facilement faire disparaître les poteaux du mobilier urbain au premier plan en se déplaçant de quelques centimètres au moment des prises de vues, le problème des véhicules garés est tout autre, car ils peuvent cacher la rue et le bas du bâtiment.

Pour combler ce manque de matière photographique, il a fallu passer devant ces voitures afin de faire quelques photographies supplémentaires.
Ces images complémentaires sont indispensables pour la réalisation du montage, si l’on veut pouvoir faire disparaître ces objets indésirables.

Recomposition de l’arrière plan

Assembler le ciel au dessus du bâtiment, ou le remplacer si des nuages apparaissent déformés, passe ici par un détourage manuel (une tâche que l’on aurait pu confier à une intelligence artificielle si la partie supérieure de notre façade de Beaubourg n’était pas composée d’autant de petits montants métalliques).

Dans le cas d’une vue panoramique recomposée, comme ici, pour un seul bâtiment, on peut choisir de garder l’effet de perspective des rues et des immeubles de chaque coté.

Panorama architectural du Centre Pompidou à Paris

Photographies et textes : Thierry Allard, tous droits réservés.


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Et un panoramique de Beaubourg à partir d’un seul point de vue ?

La procédure classique de réalisation d’un panoramique photographique à partir d’un seul point de vue n’est pas envisageable avec aussi peu de recul.
Pour le démontrer, voici le résultat que l’on peut obtenir avec 3 images réalisées à partir d’un même point de vue.

je profite de la rue Simon Le Franc qui se trouve presque en face de l’entrée de service centrale pour réduire autant que possible la perspective…

3 images redressées du bâtiment avant assemblage

Après avoir redressé les 3 images, on peut assez facilement les assembler, mais le résultat n’est pas très convaincant.

assemblage de 3 images du bâtiment avec des déformations de perspectives importantes sur les cotés

Ici, les déformations des tubes, des avancées supérieures, des immeubles et du sol, dès que l’on s’éloigne de la partie centrale, font qu’il est impossible de les corriger d’une façon réaliste.

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